3 questions à Cineffable, le festival international du film lesbien et féministe de Paris

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« Cineffable est encore nécessaire car les femmes disposent d'un réseau moins important que celui des hommes et leurs projets sont plus difficiles à monter, faute de financements. »

Cineffable 2019 - DR

Cineffable est LE festival annuel du cinéma réalisé par des lesbiennes, pour des lesbiennes. Un temps fort pour montrer des images de femmes lesbiennes, des images féministes, susciter des débats et des rencontres et s’ouvrir à tous les arts. Nous avons demandé aux organisatrices de présenter l’édition 2019.

Quel est le thème général du festival de cette année ? Quelles séances et débats conseilleriez-vous aux festivalières ?

Cineffable : Cette année il n’y a pas de thème unique qui se dessine mais côté documentaire, plusieurs films sur des thématiques inédites notamment sur le cyber harcèlement ou le surf. Il y a également des documentaires politiques qui font écho à la situation actuelle des femmes en Amérique du Sud et aux menaces de régression qui pèsent sur les droits des femmes.
Il y a une séance PMA avec un documentaire hollandais sur l’homoparentalité et une séance sur les femmes en prison précédée par une lecture live des poèmes écrit par des femmes incarcérées.

Côté fictions, un film italien sur le thème de la PMA, un film plein d’énergie sur l’écrivaine Emily Dickinson et sa relation passionnée avec une autre femme puis un film avec Ana Paquin (La leçon de piano, Xmen) en femme médecin dans les années 50. Et bien sûr il y a une séance Q qui reste un moment rare en France ! Beaucoup de réalisatrices seront présentes pour présenter leur film et répondre aux questions. Nous proposons également des débats (Des femmes au Bauhaus, aux intersections du coming out, quand les lesbiennes se chantent au cinéma, etc..) et nous mettons l’accent sur les rencontres et les échanges avec le public. Concernant l’expo, cette année nous donnons une visibilité aux corps féminins sous toutes leurs formes !

C’est la 31e édition du festival. Comment le cinéma lesbien et féministe a-t-il évolué ?

Cineffable : Lors des premières éditions de Cineffable à la fin des années 80, le cinéma lesbien n’existait pratiquement pas. Plus généralement, il n’y avait pas vraiment de représentation de lesbiennes à la télévision, dans les livres ou au cinéma. C’est pour pallier à cela que Cineffable a été créée, pour construire notre propre regard sur nous-mêmes et par nous-mêmes.
Au fil des années 80, la production s’est étoffée, assez timidement d’abord, dans les pays occidentaux en premiers, puis il y a eu deux grands tournants. Le premier vers le milieu/fin des années 90 avec les premières productions grand public comme When night is falling, Gazon maudit, Pourquoi pas moi.
Ces films ont eu un succès public et il y a eu un peu plus d’argent dans les productions. Et puis l’autre grand tournant a été la série The L Word en 2004. The L Word a prouvé que les lesbiennes pouvaient avoir un public, pouvaient être « bankables » .
Nos sociétés se sont ouvertes progressivement aux revendication LGBT+ et le pacs, le mariage etc… ont ouvert des possibilités scénaristiques dans les séries, les films, les livres. Il y a donc eu de plus en plus de personnages ouvertement lesbiens, positifs et plus de budget.

« Cineffable est encore nécessaire car les femmes disposent d’un réseau moins important que celui des hommes et leurs projets sont plus difficiles à monter »

Les jeunes générations peuvent désormais beaucoup plus facilement trouver des représentations qui leur correspondent. Et c’est une très bonne chose ! Néanmoins, un festival comme Cineffable est encore nécessaire car les femmes disposent d’un réseau moins important que celui des hommes et leurs projets sont plus difficiles à monter, faute de financements. C’est toujours la problématique du plafond de verre.

Nous présentons donc des sujets sur lesquels ces femmes travaillent et que les producteurs ne mettent pas forcément en avant parce qu’ils sont peut-être moins « vendeurs », ou viennent de pays qui ont des circuits de distributions peu développés. C’est pour cela que l’on fait venir les réalisatrices et productrices lors des projections et des tables rondes : pour qu’elles puissent se rencontrer et créer un réseau.
C’est également pour cela que nous programmons des films qui ne sont pas sortis en France au cinéma ou en DVD afin de leur donner de la visibilité et qu’ils puissent être distribués.
De la même façon, nous faisons des projections en dehors du festival, nous partageons les sous titres que nous créons ou mettons en rapports réalisatrices et autres festivals afin d’aider la diffusion de ces films.

« Les personnes cisgenres, transgenres et intersexes qui s’identifient à cette expérience sociale sont les bienvenues »

Pouvez-vous nous préciser si le festival est bien ouvert aux femmes cis et trans ?

Cineffable : Notre festival est effectivement non mixte. Cette non mixité choisie a pour vocation de créer pendant la durée du festival, un lieu, un temps, dans lequel toutes les femmes peuvent se retrouver. Nous donnons ici un sens politique et social au mot « femme » : on est femme parce que l’on subit au quotidien les injonctions, les agressions de notre société patriarcale. Nous accueillons donc toutes les personnes qui sont renvoyées à ce statut social, qui se sentent liées par cela. Les personnes cisgenres, transgenres et intersexes qui s’identifient à cette expérience sociale sont donc les bienvenues. Par ailleurs, la non mixité choisie couvre la période du festival uniquement. Tout au long de l’année, nous organisons des évènements (soirées, projections etc..) qui sont ouverts à tou.te.s.

Découvrez sans plus attendre la bande annonce du festival :

Pour plus de détails sur le festival, qui se tient du 31 octobre au 3 novembre, à l’Espace Reuilly (Paris 12e) : https://www.cineffable.fr