3 questions à Daniel St-Louis, qui milite pour un réseau LGBTQI francophone international

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Le militant gay canadien Daniel St-Louis fait actuellement le tour des capitales francophones pour faire connaître le projet de création d'un réseau d'appui et de plaidoyer dans l'espace francophone. Komitid l'a rencontré lors de son passage à Paris.

Mise à jour, le 23 septembre 2020 : suppression de la photo à la demande de l’interviewé

L’espace francophone comprend plusieurs dizaines de pays, dont la grande majorité se trouve en Afrique. Et en matière de droits LGBT+, la situation est on ne peut plus contrastée, entre les pays du Nord (Canada, France, Belgique) où le mariage a été ouvert aux couples de même sexe et les pays du Sud dans lesquels les lois LGBTphobes, héritées du colonialisme, sévissent encore, malgré de timides avancées ici ou là.

Si les pays anglo-saxons sont bien organisés en matière de soutien et de réseau entre associations LGBTQI du Nord et du Sud, les pays francophones essaient de rattraper leur retard. En 2017, plusieurs dizaines d’associations LGBT+ de l’espace francophone avaient participé à la Conférence internationale Égalité et légalité à Montréal, d’où est sortie la nécessité de créer un réseau LGBT+ francophone. C’est tout l’intérêt de l’action de Daniel St-Louis, militant gay québécois de longue date et qui travaille aujourd’hui au sein de Montréal International. C’est en effet cet organisme qui a été choisi par le gouvernement canadien, qui se veut en pointe sur les droits LGBT+, pour financer des programmes d’aide et d’appui à l’international. Récemment de passage à Paris pour rencontrer les associations françaises et présenter ce projet ambitieux, Daniel St-Louis a répondu aux questions de Komitid.

Komitid : Quelles pourraient être les missions d’un réseau LGBT+ international francophone ?

Daniel St-Louis : L’objectif fondamental est de fédérer les organisations LGBTQI et de leur donner un espace sécuritaire et inclusif pour se réunir physiquement ou sur les réseaux. Il existe un énorme besoin de renforcer les capacités de ces organisations. Il y a de grands bailleurs de fonds qui soutiennent des actions en faveur des personnes LGBT+ dans le monde mais sur les 250 millions de dollars dévolus à ces actions, seulement 0,5 % va à l’espace francophone. C’est un problème sérieux et la langue constitue un obstacle important pour s’insérer dans cette dynamique mondiale. Le réseau permettrait de participer plus activement  à l’échelle internationale.

De plus, des sites de ressources pour soutenir, appuyer, développer des actions existent mais elles sont principalement en anglais. Nous voudrions donc traduire ces documents pour les francophones. Nous avons créé un comité d’orientation en septembre 2018 et nous en sommes encore à la période de consultations et de présentations du projet dans l’espace francophone. Nous avons développé le projet de statuts de l’organisme, type ONG, qui sera indépendant et qui doit être lancé à l’occasion de la prochaine Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie.

Comment ce réseau va-t-il être financé ?

Dès l’automne, nous avons commencé les discussions avec plusieurs gouvernements. Le gouvernement du Québec a débloqué une enveloppe de quatre millions de dollars canadiens (environ trois millions d’euros) pour lancer le réseau et appuyer des premières actions. Nous allons consacrer une grande partie de la somme à des projets de petite taille mais aussi des programmes plus ambitieux. Avec le soutien financier du Québec, nous allons pouvoir aller négocier avec le gouvernement fédéral. D’autant que jeudi 7 février, le gouvernement canadien a annoncé une enveloppe de 30 millions de dollars sur cinq ans, puis de 10 millions par an. C’est un effort très important, qui est aussi lié au désengagement de l’administration Trump et cela fera du Canada un des plus importants donateurs avec les Pays Bas, la Norvège et la Suède, notamment. Nous sommes aussi en discussion avec le gouvernement français, belge, suisse, luxembourgeois et je souhaite qu’avec le temps, on puisse les amener à rejoindre le mouvement pour appuyer soit des projets précis, soit le réseau dans son ensemble.

La francophonie ne vient pas de nulle part… Elle est liée à la colonisation par la France et par la Belgique de pans entiers du continent africain et de pays en Asie. Comment ce réseau va-t-il aider les associations sans être dans une attitude paternaliste ?

C’est une association par et pour les associations concernées. Nous sommes conscients que nous sommes des Blancs provenant de l’Occident et qu’il existe aussi une instrumentalisation de l’homosexualité dans certains pays pour trouver un bouc-émissaire. Le système de valeurs et le cadre juridique de l’homophobie ont été apportés par la colonisation. C’est aussi le cas au Canada vis-à-vis des populations autochtones. Nous appliquerons à toutes nos actions le concept Do Not Harm (Ne pas nuire). Parfois, on pense faire quelque chose de bien mais en fait cela revient négativement en boomerang.

« Nous veillerons absolument à une équité des genres et des origines. »

Pour minimiser les problèmes, nous serons attentifs à toujours travailler avec les groupes et les associations locales. Ce réseau doit refléter l’ensemble de la diversité de l’espace francophone, en terme de représentations des pays concernés et aussi dans les composantes de la communauté, où le G a hélas pris une place prépondérante. La gouvernance proposée serait un conseil d’administration de 15 personnes, dont huit provenant des grandes régions que nous avons définies : les Amériques, l’Europe et l’Asie centrale, l’Afrique du Nord et Moyen Orient, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, australe et de l’Est et la dernière l’Océan Indien, l’Asie et le Pacifique. Huit postes sont attribués à des représentant.e.s de ces régions (dont deux pour l’Europe-Asie centrale et deux pour l’Afrique centrale, de l’est et australe). Cinq postes vont être attribués à des composantes de la communauté : femme lesbienne, personne trans, personne intersexe, personne bi, et personne jeune. Le CA est complété par deux vice-président.e.s dont une qui s’identifie comme femme. Nous veillerons absolument à une équité des genres et des origines.

Pour une présentation globale du projet de Réseau LGBTQI francophone international, visitez www.montrealinternational.com/lgbtqi