Cher Matthieu Delormeau, non, les viols ne se passent pas que dans les ruelles sombres

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Dans l'émission de Cyril Hanouna « Touche Pas À Mon Poste », le chroniqueur Matthieu Delormeau s'est une nouvelle fois illustré par des propos honteux. Cette fois-ci, il s'est permis de remettre en cause la notion de viol conjugal.

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Cher Matthieu Delormeau : non, les viols ne se passent pas que dans les ruelles sombres - TPMP / myCanal

Ce jeudi 25 octobre 2018, participant à l’émission Touche Pas À Mon Poste de Cyril Hanouna, vous avez, Matthieu Delormeau, une fois de plus, ouvert votre bouche un peu trop grand pour dire n’importe quoi. Commentant la polémique créée par Fun Radio, qui demandait à ses abonné.e.s Twitter s’il était « normal » (sic) que «  Charlotte ne supporte pas que son mec lui fasse l’amour la nuit quand elle dort », vous avez tout d’abord traité votre collègue Gilles Verdez d’« extrémiste » lorsqu’il a eu la pertinence de rappeler la notion de viol conjugal.

Vous vous êtes ensuite fâché tout rouge parce que vous estimez que dénoncer les agissements d’un homme qui imposerait des relations sexuelles à sa compagne lors de son sommeil porterait préjudice aux personnes qui seraient « vraiment » victimes de viol, parce que bon, l’individu a quand même eu la délicatesse de ne pas « l’attacher ». Mais comme l’a fait remarquer Nabilla Benattia à juste titre, si elle dort, impossible de savoir si elle est d’accord ou non. Une absence de « non » n’équivaut pas, n’équivaut jamais, à un « oui ». Et puisque la question de Fun Radio précise que Charlotte « ne supporte pas ça », on comprend bien qu’elle n’est pas consentante. Et sans consentement, ce n’est pas du sexe – encore moins « faire l’amour » – mais bel et bien du viol, cher Matthieu Delormeau. Avez-vous toujours envie d’en faire l’apologie avec autant de ferveur ?

Vous me copierez 100 fois : « 80 % des victimes connaissaient leur violeur »

Non, le viol, ce n’est pas l’image d’Épinal du méchant inconnu qui s’en prend à une demoiselle en détresse dans une ruelle sombre en lui collant un couteau sous la gorge, à trois heures du matin. Aujourd’hui on sait qu’un viol sur deux a lieu au domicile de la personne violée, et que 80 % des victimes connaissent leur violeur. Et si la définition légale du viol (article 222-23 du Code Pénal) ne comporte à l’heure actuelle pas le mot « consentement » et ne précise pas directement l’existence du viol conjugal, il est spécifié dans l’article suivant que l’on passe de 15 à 20 ans de réclusion criminelle lorsque le viol est «  commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

De nombreux cas de viols entre époux.ses ont par ailleurs déjà fait jurisprudence. On ne peut pas aujourd’hui, du moins si l’on a un minimum de décence, présumer du consentement d’autrui parce qu’il ou elle nous l’a déjà accordé par le passé. Et encore moins se permettre de graduer la légitimité d’un viol par rapport à son degré de violence. Actuellement, 90 % des plaintes pour viol conjugal sont classées sans suite. Regardez le replay de l’émission d’hier soir Monsieur Delormeau et imposez-vous sans plus attendre une petite séance d’introspection. Demandez-vous sincèrement l’écho que peuvent avoir des propos comme les vôtres sur les personnes concernées, meurtries dans leur chair et, le plus souvent, abandonnées par les instances censées les protéger puis décrédibilisées sur les plateaux télé ?

Vous voudriez que Gilles Verdez se rétracte pour avoir rappelé Fun Radio à ses responsabilités en tant que média de masse ? Ce que je souhaite pour ma part, c’est que vous vous renseigniez sérieusement sur les notions de viol, de viol conjugal et de consentement, puis que vous présentiez vos excuses à toutes les personnes à qui vous avez craché au visage hier soir. Tant que vous ne l’aurez pas fait, vous demeurerez complice de la culture du viol dans laquelle baigne notre société patriarcale, qui permet les désolantes statistiques que j’ai énumérées ci-dessus.

À votre décharge, il est vrai que vous n’étiez pas le seul à tenir des propos inacceptables sur la plateforme de Cyril Hanouna ce jeudi 25 octobre. Si le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a déjà été, à l’heure où j’écris ces lignes, saisi plusieurs dizaines de fois sur ce passage de l’émission, une potentielle sanction ne sera pas suffisante pour faire passer le message. Comme l’expliquent les militantes féministes et activistes LGBT+ depuis des années, on ne viendra pas à bout du sexisme et des LGBTphobies avec la répression pour seul et unique levier d’action. Il faut éduquer, sensibiliser, aux discriminations et aux violences avant même qu’elles n’aient l’occasion d’être perpétrées. Aussi, je vous invite tou.te.s cordialement à prendre le thé avec cette vidéo d’utilité publique, qui réexplique les bases du consentement avec pédagogie.