« Ces photos, c'est ma façon à moi de m'engager »

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Grâce à la photographie, la réalisatrice Pauline Goasmat expose le bonheur de sa « tribu LGBTQ+ » pour couvrir le bruit des haters. Pour Komitid, elle revient sur son parcours... et ses combats.

La famille de Pauline Goasmat
La famille de Pauline Goasmat - Pauline Goasmat.

La réalisatrice Pauline Goasmat vit dans la campagne de Rennes avec son épouse et ses deux belles filles, âgées de 8 et 13 ans. Des filles pleines d’énergie qu’elles élèvent ensemble. Après que les débats autour du mariage pour tous ont remué l’actualité en 2013, Pauline a décidé de répondre avec un Tumblr Ma tribu LGBTQ+. Avec son appareil, elle dresse un portrait bisounours et licornesque de sa famille intime et élargie : Amis, grands-parents, copains et grands voyages. La banalité du quotidien, comme réponse à la violence des autres. Elle raconte…

Avant de rencontrer Maud, j’habitais à Paris. Pendant les discussions sur le Mariage pour tous, j’étais descendue faire des contre-manifs, je sortais l’appareil photo pour capter ces moments magiques. Je me souviens du petit rassemblement devant l’Assemblée, le jour où la loi est passée, c’était la joie absolue. Et un jour, j’ai voulu les voir, les autres. Quand je suis rentrée de leur manif, je me suis écroulée, tant de haine derrière les sourires, c’était trop. Beaucoup étaient choqués de l’homophobie qui avait explosé. Pour moi c’était pas une grande nouvelle, ça faisait dix ans que je me faisais insulter dans la rue… Bizarrement, c’était à ce moment là que j’ai commencé à me dire que j’avais toujours eu envie d’une famille. Et c’est arrivé d’un seul coup ! J’ai quitté Paris et suis arrivée à Rennes où je suis tombée dans ce cocon d’amour, avec Maud et ses filles. On s’est adoptées mutuellement.

Le jour où la loi est passée, c’était la joie absolue.

Pour moi, ça a été un vrai changement de vie ! 80 % des gens qui me rencontrent me rangent dans la catégorie « homo ». Et pour beaucoup, « homo » ça veut encore trop souvent dire « sans enfant ». D’un coup j’ai vu que ça tiquait « toi tu as des enfants ? » et quand je réponds « ce sont ceux de mon épouse », certains arrivent toujours à demander si elle était avec un homme avant, alors que non. Les gens s’étonnent souvent d’avoir une grille de lecture hétéronormée.

Ils peuvent aller loin dans leurs questions, et parfois ça ne les regarde pas. Mais ce qui m’a marquée aussi, ce sont les regards bienveillants portés sur nous, le fait qu’on me cède la place dans le bus, par exemple. Et puis j’ai réussi à faire mon coming out à mes grands parents, des catholiques pratiquants, accompagnée une femme et deux enfants. Et ça s’est très bien passé. Bref, le bien que ça m’a fait, tout ça, j’avais envie de le partager du coup j’ai créé le blog il y a trois ans.

J’avais le souvenir d’une série de photos sur laquelle je suis tombée il y a quelques années. C’était des familles homoparentales à San Francisco dans les années 70. Je me suis dit que c’était important pour la mémoire de l’histoire LGBT+. Il faut tous et toutes laisser des traces. Et puis mes clichés sont assez intemporels, je me dis que dans 30 ans ils parleront encore à des gens. Ces photos, c’est ma façon à moi de m’engager. Maud a dix ans de militantisme derrière elle, elle est cofondatrice de l’association des Enfants d’Arc en ciel. Les filles partagent déjà une histoire engagée avec leurs mères, elles ont été médiatisées depuis leurs naissances. Elles ont conscience de ça et jouent le jeu.

Beaucoup de gens ont commencé à me dire que ça leur faisait du bien, de voir de belles choses après tout ça. Je donne des cours de reportage photo à la MJM de Rennes et je disais encore à mes étudiants et étudiantes que c’était important de s’engager personnellement et/ou politiquement dans ses sujets. Avec Ma tribu LGBTQ, je montre qu’une famille homoparentale mène une vie heureuse mais somme toute banale, avec des goûters d’anniversaire, des vacances, des grimaces. Surtout, c’est tout le monde qui s’est engagé avec nous : les copains, les copines, les grands-parents, les amis… et ça aussi, ça fait chaud au cœur.