A six mois des JO « j'allais vers le burn-out », confie la judoka Amandine Buchard

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Pour celle qui a perdu son père et dont la mère avait coupé les ponts en raison de son homosexualité, le judo est tout : « Je n'ai que ça, en fait, c'est mon quotidien, mes amis, ma famille. »

Amandine Buchard en 2022
Amandine Buchard en 2022 - Victor Velter / Shutterstock

« Si je ne m’arrêtais pas, j’allais vers le burn-out » : la judoka Amandine Buchard, vice-championne olympique à Tokyo en 2021, a fait l’impasse sur le tournoi de Paris pour éviter de se « détruire entièrement » à six mois des Jeux de Paris, confie-t-elle dans un entretien à l’AFP et Ouest-France.

Inscrite initialement au Grand Slam de Paris (2-4 février), Amandine Buchard a finalement renoncé à cette prestigieuse compétition – répétition générale avant les JO -, car la Française de 28 ans avait « besoin de faire une coupure avec le monde du judo ».

Après une année 2023 « très intense », avec ses médailles de bronze aux Mondiaux et d’or au Masters et aux championnats d’Europe dans sa catégorie des -52 kg, explique-t-elle, « je me suis dit qu’il ne fallait pas que j’explose trop près des Jeux ».

« Là, j’ai coupé, je suis partie à l’étranger, et quand je suis revenue en janvier je me suis rendu compte que c’était encore trop tôt pour que je remette un kimono, je n’en avais aucune envie, c’était presque me forcer », explique-t-elle dans un entretien accordé mardi 6 février à l’occasion d’un stage international au Dojo de Paris.

Du fait de son palmarès, Buchard est un grand espoir de médaille cet été : « J’habitue les gens à être une valeur sûre, les gens s’attendent toujours à ce que j’aie une médaille. Il y a beaucoup de sollicitations, beaucoup de pression par rapport aux JO-2024, ça a été un ensemble, il y avait un trop-plein. J’étais en train de plonger dans le burn-out. »

« Entonnoir »

« Vous savez, l’objectif de Paris-2024 a commencé très tôt, dès le retour de Tokyo », retrace-t-elle. « On est allés à l’Elysée, le président nous a remis nos médailles et nous a dit en gros ” C’est bien ce que vous avez fait au Japon mais on en veut plus à Paris ” ».

« Avoir la chance de faire des Jeux à Paris, c’est une chance incroyable, et d’être sélectionnée dans un monde où la concurrence est énorme aussi, mais c’est un entonnoir », image-t-elle.

Pour celle qui a perdu son père et dont la mère avait coupé les ponts en raison de son homosexualité, le judo est tout : « Je n’ai que ça, en fait, c’est mon quotidien, mes amis, ma famille. »

Alors, faire l’impasse sur un le Grand Slam de Paris n’a pas été évident : « C’est osé, mais je pense que c’était nécessaire, dit-elle. Chaque personne gère sa carrière différemment, et moi, je suis performante quand je suis bien dans ma tête. »

« Je peux être diminuée physiquement, mais si dans ma tête je suis blindée, ça peut le faire et je peux battre n’importe qui. Ce que je recherche, c’est d’être psychologiquement une machine de guerre ! », explique Buchard, qui s’entoure notamment d’une psychologue et d’un préparateur mental.

Elle assure que dans le staff des Bleues, « personne n’a été dans l’incompréhension » même si « beaucoup ne s’étaient pas rendu compte » de son état mental. « J’enlève ma carapace quand je rentre chez moi, je ne montrais rien, j’avais gagné le Masters, les championnats d’Europe. Eux se sont dit : ‘Ouais, il y en a plein qui aimeraient être à ta place’, et je leur disais qu’avec une médaille, le bonheur était parfois éphémère. Sur le coup tu es content, mais après cela redevient normal et tu te retrouves face à ton quotidien, tes doutes », avoue-t-elle.

« Les JO à tout prix »

Buchard ne voulait « pas revivre » son expérience de 2016 : « J’ai déjà voulu faire les JO à tout prix et j’y ai laissé ma santé mentale et physique », rappelle-t-elle.

Avant les Jeux de Rio, Buchard évoluait en -48 kg. Une catégorie qui l’obligeait à enchaîner des régimes, une « torture » qui l’a plongée dans la dépression. L’athlète renonce alors aux Jeux et monte en -52 kg.

« Je ne voulais pas arriver à un stade où je n’avais plus envie de mettre un kimono (…) cela aurait été un point de non-retour, ça aurait pu me détruire entièrement », poursuit-elle.

« Donc j’ai pris mes distances. La routine tue. Cela fait des années que je m’entraîne au même endroit, avec les mêmes personnes, la même pression. Là, en changeant mon quotidien, c’était une manière de redonner de la vie à mon sport. »

La native de Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, a repris l’entraînement et espère reprendre le randori, les combats d’entraînement, « d’ici deux semaines » avant sa prochaine compétition prévue début mars à Tashkent, en Ouzbékistan.

Dans cette dernière ligne droite, celle qui pourrait encore retrouver en finale la championne olympique japonaise Uta Abe rassure : « Au fil des années, j’ai toujours été performante, les années passent et je suis toujours là. Cela s’explique en partie grâce à tous ces moments-là, ils ont été nécessaires pour faire l’Amandine d’aujourd’hui. »