Ce soir sur France 5, Dominique Besnehard fête les 60 ans de “Rocco et ses frères”

Deux boxeurs beaux comme le péché, et un cinéaste amoureux de son interprète principal. Le film a aujourd’hui soixante ans. Replongez-vous dans “Rocco et ses frères”, chef-d’œuvre de Luchino Visconti, diffusé ce soir, lundi 6 avril, à 20h55 sur France 5. Et c’est Dominique Besnehard qui présentera la soirée.

Par Didier Roth-Bettoni

Publié le

Au moins autant qu’une histoire de famille et de boxeurs, Rocco et ses frères est une histoire de passions, au premier rang desquelles celle d’un cinéaste pour son acteur.

Aristocrate et communiste, catholique et homosexuel, Luchino Visconti, a 52 ans en cette année 1958. Il est un des maîtres du cinéma italien, mais aussi un des metteurs en scène de théâtre et d’opéra les plus réputés d’Europe. Cela fait des mois qu’il prépare son nouveau film, ce Rocco qui raconte l’histoire d’une famille qui doit quitter le sud de l’Italie pour s’installer à Milan, et dont les deux fils aînés, Simone et Rocco, non seulement s’essaient tous deux à la boxe mais tombent amoureux de la même femme…

Tout est presque prêt, les interprètes choisis, Renato Salvatori, Annie Girardot, Roger Hanin…, tous sauf un, le principal, celui qui incarnera ce jeune Rocco par qui la tragédie va arriver, et que Visconti ne trouve pas. Jusqu’à ce qu’on lui présente à Londres un jeune acteur français quasi inconnu mais à la beauté insolente. En découvrant Alain Delon, Visconti est saisi. C’est un coup de foudre. Contre l’avis de ses producteurs qui exigent une vedette pour le rôle principal, le réalisateur impose Delon, objet de tous ses désirs que sa caméra va magnifier.

Un homme amoureux

Rocco et ses frères est donc l’histoire de ce regard amoureux d’un homme sur un autre, d’un cinéaste qui va façonner la légende d’un comédien débutant en lui offrant un rôle inoubliable et en lui donnant des conseils qui lui seront utiles tout au long de sa carrière.

Cette passion qui transparaît dans chacun des plans de Delon dans le film fait écho à ce qui se joue entre les personnages et leurs désirs qui s’entrechoquent. L’homosexualité rôde partout ici, plus ou moins apparente, plus ou moins directe. Il y a l’érotisme des corps exposés de Rocco et de Simone sur le ring bien sûr, il y a aussi l’ambivalence des rapports entre ces deux frères à la beauté animale, qui ne cessent de se défier du regard et de s’empoigner, avec une femme entre eux comme enjeu. Comme enjeu, ou comme prétexte ?…

L’homosexualité est aussi sous-jacente dans la relation entre Morini, l’entraîneur joué par Roger Hanin, et Simone, son « protégé », autant dire son micheton, qu’il couve, paie et héberge. Là encore, rien n’est dit, mais tout saute aux yeux de qui veut bien voir.

Grand film sur le destin — ce thème central de toute l’œuvre de Visconti —, Rocco et ses frères est un des sommets de la veine néo-réaliste du cinéaste. En 1963, il signera un autre chef-d’œuvre, une de ces fresques somptueuses et décadentes qui forment l’autre pan de son travail. Pour ce Guépard éblouissant, il engage à nouveau Delon, et à nouveau, il le sublime comme personne d’autre ne le fera.
Toute sa vie, Delon ne va cesser de dire tout ce qu’il doit à Visconti. Cela ne l’empêchera pas de multiplier les sorties homophobes. Mais c’est une autre histoire…

Rocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Renato Salvatori, Annie Girardot, Roger Hanin…

Tu en veux encore ?